Sans doute, je ne suis pas le prince
Hamlet, même si moi aussi je suis
hanté
par le dilemme «être ou ne pas être».
Je ne suis pas Thomas Eliot non plus —
celui-ci, voyons, bien qu’il ne fût pas le
prince Hamlet lui non plus, circulait
fièrement
sur les grandes autostrades littéraires anglo-
américaines, courbé sous le poids des prix et de la
renommée.
Je ne suis pas non plus Ulysse
ayant perdu le chemin d’Ithaque,
même
si moi aussi j’ai mon Ithaque perdue
dont la route grosse de dangers
innombrables,
passe par Taline et Taliche.
Elle est fermée pour moi depuis
longtemps et ce n’est pas à cause d’une
certaine Calypso qui m’aurait ensorcelé
et enfermé
sur l’île par ses promesses d’immortalité.
Et enfin, malheureusement, je ne suis
pas Joyce, ce qui est bien dommage
car
tout le reste aurait lieu dans une grande
capitale, quelque part où il est facile de
vivre, où les routes sont bien aménagées
—
dans un quartier avec des gratte-ciels
illuminés où les ascenseurs ne tombent
pas en panne, où les bus arrivent à
temps,
et dans un appartement où c’est
toujours toi qui allumes et éteins la
lumière
et non un employé quelconque de
France… ou Suède-énergo.
Ainsi, perdu dans mes pensées,
j’arpenterais mon bureau bien
chauffé
et m’arrêtant d’un coup, j’irais m’asseoir
à ma table et j’écrirais:
«Non, je ne suis pas le
prince Hamlet même si moi
aussi
je suis hanté par le dilemme « être ou ne pas
être».
traduit de l’arménien par nounée abrahamian